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Créations autour de Julien

19 février 2011

L'abandon

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« En concert, j’ai la maîtrise totale de ce que je fais, alors qu’au cinéma, je m’abandonne au désir du metteur en scène ».  C’est, en substance, ce que Julien a répété plusieurs fois, séparant ainsi dans une opposition tranchée les deux parties de son art.   Ce raisonnement semble évident, logique et pourtant, je n’ai pas du tout la même impression.  S’il est vrai qu’en matière de choix de la set-list ou de conception de la scénographie, il exerce une maîtrise totale sur son travail, on sait cependant que toutes ces décisions ont lieu AVANT le spectacle.  Mais pendant … ? N’est-il pas nécessaire, presque artistiquement vital, de s’abandonner à la musique, de faire confiance au flux sonore et de se laisser porter ?

J’ai sans doute une vision idéalisée, mais sans tomber dans le mythe muse qui chuchote, poète prends ton luth et tout le folklore, l’art ne doit-il pas à un moment donné s’emparer du gouvernail ?  Et l’artiste, sans trembler, lâcher prise ?  Sans trembler, parce que l’abandon fait peur. Dans nos sociétés régies par le rationalisme et le culte de la maîtrise, se jeter dans le vide les yeux fermés demande une solide dose de courage … ou de confiance.  Et puis, l’abandon n’est pas toujours assimilable à une chute, parfois c’est une ascension.

Aurait-on peur de soi-même ?  Quel être va surgir lorsque notre moi raisonnable acceptera de s’effacer ?

Pourquoi cette peur de l’abandon ?  Je remonte dans le temps jusqu’à l’étymologie du mot : « Du vieux français mettre à bandon : laisser au pouvoir de, livrer ».  Cela permet en partie de comprendre les réticences si s’abandonner conduit à se soumettre à un pouvoir d’autant plus effrayant qu’il n’est pas nommé.  Qui va prendre les rênes ?  Jusqu’où cela peut-il mener ?  Est-il prudent de laisser la part insoumise s’arroger tous les droits ?

L’abandon suppose aussi la perte de quelque chose, mais la difficulté d’identifier l’objet disparu ne peut qu’accroître les craintes.  Rien ne dit non plus qu’on obtiendra autre chose en échange.  Quand on aura accepté de se dépouiller, que restera-t’il au-delà du vide et du silence ?

L’abandon, ce mot qui diffuse des effluves de lâcheté, devient un acte de courage.  N’est-il pas le seul moyen pour « Etre à la hauteur du désir » comme Julien l’a dit un jour ?

Seul celui qui l’éprouve peut estimer l’intensité de son désir et y répondre parfaitement devient une gageure pour celui qui en est l’objet.  Se mettre à bandon est l’unique voie pour y parvenir.  Se livrer totalement à son art, au désir du public, s’abandonner à la couleur, au son, à la vibration.

Ce lâcher prise ouvrira aussi la porte à l’abandon réciproque du public qui, face à cette mise à nu, acceptera de se laisser guider jusqu’à l’inconnu, jusqu’au ténébreux ou à l’éblouissant, en toute confiance.  Accepter d’être traversé, transpercé, dépouillé.

A ce rendez-vous amoureux, faire un pas l’un vers l’autre et laisser choir à ses pieds comme un vêtement importun notre bogue de convenance pour retrouver la saveur primordiale et sauvage du fruit caché dessous.

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19 février 2011

[Lire avec en bande-son, peut-être, le Prélude de

[Lire avec en bande-son, peut-être, le Prélude de Bach live Club Med Palavas 1993, grandiloquent et ridicule avec une pointe de nostalgie]

J'ai prononcé ton nom entre l'oreiller et le drap, tout bas, sans réfléchir, presque sans faire exprès. J'étais seule dans le lit, la chambre était froide comme toujours le soir, mes pieds n'avaient que le périmètre de la bouillotte pour ne pas geler. Au bord du sommeil, j'ai juste chuchoté, presque sans bouger les lèvres, dans un souffle.
Julien...
J'ai été surprise comme si quelqu'un d'autre avait dit ce mot dans mon oreille. Comme si, aussi, je découvrais ces sonorités douces, comme si c'était la première fois qu'elles passaient dans ma bouche. J'ai recommencé.
Julien...
Je me souviens, tu étais si proche de moi, avant. Tellement proche, à te sentir bouger entre ma peau et mes muscles, à ressentir les gestes que je te voyais faire. Tu t'es éloigné peu à peu, j'ai senti se tendre le lien entre nous, au niveau du plexus solaire. Je ne l'ai pas senti se rompre.
J'ai voulu tant de choses avec toi, j'ai tout voulu, tout désiré. J'ai souhaité ton amitié, ton amour, j'ai voulu caresser ton corps, me fondre en toi jusqu'à devenir une parcelle de ta matière, j'ai voulu devenir toi pour mieux te comprendre. Finalement je suis devenue moi davantage, c'était sans doute ce que, toi, tu aurais pu souhaiter, si tu avais voulu quelque chose pour moi.
Je ne sais plus si ces désirs-là sont éteints, ou simplement en attente. Je ne les ai plus ressentis pour personne après toi. Je ne crois pas qu'ils soient morts, sinon je serais sans doute morte avec eux. Mais depuis que ton image tapisse l'intérieur de mes paupières, de jour comme de nuit, je ne me suis jamais sentie si vivante, comme ce lien à la fois passé et si présent.
Quintessence, révélateur, jumeau, j'ai tout dit, tout pensé à ton propos. L'énigme reste entière, irrésolue. La même oppression dans la poitrine réapparaît en même temps que toi, familière. Mais je n'identifie plus ce manque, et là dans mon lit je m'interroge. Au bout de toutes ces réflexions, tous ces écrits, toutes ces théories, pensées et ressassées, il reste la chair à vif de ne pas te toucher, quelque chose de primitif et d'implacable comme la paume qui se plaque sur la peau tuméfiée pour soulager la douleur.
Je ne veux pas que tu me regardes, je ne veux pas que tu m'écoutes, je veux cette relation à sens unique telle qu'elle a toujours été. Te caresser sans t'atteindre, mordre dans ton épaule sans rien marquer. Que la seule réalité soit la vibration de l'air entre mes lèvres... Julien... c'est.

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19 février 2011

Le dur désir de durer (nouvelle)

On vient de finir la cuisine. C'est la seule chose à laquelle j'arrive à penser, la cuisine. Tout ce que je voulais c'était qu'elle soit accueillante, chaleureuse, bien rangée, avec peut-être juste un bouquet de fleurs du jardin dans un vase en céramique acheté un été dans un rassemblement de potiers, et un gâteau sortant du four, prêt à être dégusté par la voisine qui viendrait prendre le thé à l'improviste... le beau cliché, comme sur les blogs de ces filles qui semblent vivre dans des magazines de déco ! Comme si le décor parfait pouvait par magie apporter l'harmonie dans une vie, j'y croyais. Et maintenant que la cuisine est neuve, brillante de toutes ses surfaces laquées, sans une trace de calcaire ou d'éclaboussure de sauce... maintenant, rien n'a changé. Ou plutôt tout continue à changer, à se dégrader lentement comme les épluchures de légumes dans le bac à compost. Sauf que je ne crois pas qu'il en sortira une substance nourrissante, un terreau fertile. Rien qu'un vieux cocon desséché qui contenait autrefois un couple, une famille. Voilà, c'est l'image qui me hante, je vois ce débris organique répugnant au milieu de ma cuisine neuve.
Je ne sais pas ce qui m'arrive, ce qui nous arrive. Le monde semble continuer à tourner comme avant, les jours, les saisons passent, les jours d'école, de travail, de repos, le réveil qui sonne, les repas à préparer, à manger, à ranger, le linge qui s'entasse... Et nous sommes là, tous les deux, presque aveugles à nos enfants, en tout cas incapables de nous regarder l'un l'autre. L'amour ne signifie plus rien, hormis les petits corps déjà presque oubliés, ensevelis dans les membres qui s'allongent trop vite. Là où le rouge palpitait en moi, rien qu'un sombre abîme, un gris collant, le vide. Ce trou dans la poitrine, au centre, là où se serrent les enfants, ne peut plus être comblé par rien, car il n'est pas un désir, seulement un néant. Désirer, même physiquement, ce serait déjà une chaleur. Mais tout est sec et froid.
L'autre jour j'ai remarqué avec détachement que je n'éprouvais plus aucune émotion en regardant le ciel ou les arbres.




La façade, les pentes du toit restent dans l'ombre, difficiles à représenter. De cette maison, elle connaît pourtant de mieux en mieux l'intérieur, elle y est chez elle, du moins le pense-t-elle. Elle découvre de nouvelles pièces, de nouveaux recoins à chaque visite. La décoration n'est pas toujours à son goût, il y a beaucoup à faire, à trier, des amoncellements d'objets divers, de meubles disparates. Parfois une cour, un jardin intérieur au détour de couloirs qu'elle suit pour la première fois, mais la semaine ou le mois suivant, elle ne peut retrouver cet espace de verdure ou cette petite pièce d'eau. A la place, un immense salon, presque aux dimensions d'un hangar, empli de meubles poussiéreux et de papiers effrités, comme un magasin de brocanteur un peu mal tenu. Et elle sait qu'au fond de la maison, ou peut-être tout en haut sous le toit, existe un endroit qu'elle n'a jamais vu, une soupente, presque une grotte, où s'entassent... elle ne sait quoi exactement, des piles et des piles de liasses de papiers, des particules de mots et de pensées, qui s'envoleraient au moindre souffle et feraient tousser, étoufferaient celle qui oserait les déplacer. Elle ne sait pas si elle pourra trouver un jour cette pièce-là.
Elle reconnaît aussi parfois des ustensiles dont elle était sûre de s'être débarrassée, des outils de cuisine en plastique laids et malcommodes, ou bien un saladier en arcopal blanc à bordure rouge orangée, même plus digne d'une cantine scolaire, mais même pas ébréché, alors comment s'en défaire sans se sentir légèrement coupable, puisqu'il pouvait encore servir ? Ces choses accumulées là lui rappellent presque toutes des personnes, qu'elle ne voit plus, qui sont sorties de sa vie. Elles réapparaissent et  c'est comme si elle croisait dans la rue un visage d'une autre époque, quelqu'un avec qui elle pourrait partager des souvenirs mais dont elle ne veut plus, et puis allez savoir si lui, ou elle, se souvient d'elle... elle a toujours cru être si transparente. Elle ne sait pas si elle préfère revoir ces objets inertes, ou bien les yeux surgis de ce temps pas toujours si lointain, à qui elle pourrait dire silencieusement, par son seul maintien, sa seule démarche : « Voyez, je n'ai plus besoin de vous, maintenant je tiens debout toute seule sans autre regard que celui... » Mais de toute façon ils ne comprendraient pas.





L'autre jour un ami d'ami sur facebook a posté une vidéo, par hasard et désœuvrement j'ai cliqué, c'était une chanson de Christophe, La Man. Drôle de titre. De ce chanteur je ne connaissais qu'Aline, une réminiscence d'une vieille cassette de mes parents, un best-of (je crois qu'on n'appelait pas encore ça comme ça à l'époque) de slows sirupeux. J'ai écouté. Et puis j'ai réécouté, j'ai noté certaines paroles. J'avais l'impression qu'il déroulait mes nerfs et mes tripes pour écrire des mots avec.
Elle veut l'amour pur et sans faille
Elle veut tout, elle veut le chaos
Rêver sa vie dans ses vies de rêve
La vérité nue, belle à voir
Après je suis allée faire le ménage et la cuisine, ranger les jouets des enfants, plier les chaussettes par deux. Une fois avec ma fille on a calculé, deux chaussettes par jour et par personne, quatre personnes, sept jours dans la semaine, je lave et étends cinquante-six chaussettes par semaine, sans compter les vingt-huit slips et culottes bien sûr, j'entretiens soixante ongles, on n'a pas compté les dents à brosser tous les matins et tous les soirs.
La communication a été coupée entre nous, comme quand tout à coup on n'a plus que la tonalité dans le téléphone au lieu de la voix de l'autre. On se croise, on s'effleure, c'est tout. Je ne suis même pas sûre qu'on s'effleure. Je ne sais plus ce qu'il pense et ressent, je ne sais plus si je l'ai jamais su, il est comme une boîte hermétique, rien ne sort, rien ne transpire. Je me demande s'il me voit de la même façon, comment peut-il ne pas sentir, ne pas entendre mon sang qui bouillonne ? Il est vrai que j'ai étouffé tout ça, tout est plus calme à présent, je croyais que c'était ainsi qu'il fallait vivre. Et surtout je souffre moins ainsi. Mais voilà que quelques paroles de chanson peuvent remettre en cause mes protections, mes barrages intérieurs ! Si tout débordait de nouveau, qu'est-ce qu'il verrait, qu'est-ce qu'il dirait ? Qu'est-ce que les gens diraient ?




Une autre fois elle finit par sortir de la maison toujours déserte. Elle quitte le monde des objets, des choses inanimées pourtant pourvues d'une âme. Dès le seuil bruisse la lumière mouvante qui filtre à travers les feuilles. Elle pense que ce doit être le tout début de l'automne, peut-être l'équinoxe. Les feuilles ciselées et les crosses des fougères commencent à peine à roussir, le mauve des bruyères saupoudre le vert encore vif du sous-bois. Ce n'est pas habituel pour elle, marcher seule dans la forêt, sans quelqu'un à attendre ou à suivre, sans rendre de comptes. Elle suit tout de même le sentier, ne se sentant pas encore capable de couper à travers bois, sans repères. Le chemin rétrécit, devient presque tunnel sous la voûte des arbres, puis oblique à angle droit, et soudain alors qu'elle regardait les branches au-dessus d'elle, les rayons de soleil éclairant de légères poussières en suspension, elle baisse les yeux et aperçoit, plus loin, à quelques dizaines de mètres, un grand animal, enfin il lui semble, un cerf ? Mais n'est-ce pas plus grand un cerf ? Il l'a regardée et est déjà parti, ou peut-être n'était-il pas vraiment là. Pourtant elle a vu les poils bruns recouvrant les muscles souples de cette bête.
Elle avance vers l'endroit d'où il a disparu, posant involontairement ses pieds prudemment sur le sol inégal pour ne pas faire de bruit. Elle regarde, elle cherche dans le sous-bois, mais pas de trace. C'est un bien autre regard qu'elle croise, elle croit d'abord à un reflet, une sorte de mirage. Assis sur un tronc couché, adossé à un fourré de ronces, un homme la regarde avec ses propres yeux, les prunelles qu'elle voit tous les matins dans la glace sans y prêter attention car elle a d'autres choses à vérifier, la coiffure, la tenue. Elle devrait avoir peur mais ça ne l'effleure même pas, à cause de ces yeux sans doute. Elle le regarde, elle est presque sûre qu'il ne parlera pas. Ses cheveux sont emmêlés, des feuilles mortes y sont accrochées, pourtant ils brillent à l'endroit où le soleil les touche. Il a une peau laiteuse mais pas blafarde, rosée, une matière qu'elle a l'impression de n'avoir jamais vue ; autour de son biceps droit, une ronce s'est accrochée, il ne semble pas la sentir et pourtant les épines s'enfoncent profondément dans sa chair sans qu'aucune goutte de sang ne perle. Il ne saigne pas, comme si elle saignait à sa place. Il tient dans les mains une écuelle en terre cuite remplie de mûres qu'il vient de cueillir, ses doigts sont tachés de pourpre. Dès qu'elle les voit elle imagine ces doigts s'approcher de ses lèvres pour lui tendre un fruit, et l'acidité sucrée sur sa langue. Elle fait un pas vers lui.





Pour remplir un peu le vide intérieur parfois j'achète des magazines, il paraît que dedans il y a tout ce qu'il faut avoir, porter, faire pour être une vraie femme. Je me demande si de telles personnes existent, tout paraît si facile pour elles, bien maquillées du matin au soir, des sous-vêtements impeccables et assortis, des collants qui ne filent pas, des maris attentifs et des amants passionnés... car l'amant semble faire partie de la panoplie, c'est peut-être ça qui me manque. Mais il faudrait en avoir envie, et tous ceux que je croise ne m'inspirent que de l'indifférence au mieux, au pire du dégoût. Même chez ceux, rares, qui pourraient me plaire, je remarque toujours le détail trivial ou rédhibitoire, les mains molles aux ongles trop longs, la démarche veule, les dents mal soignées, et si je les laisse s'approcher pour me parler ce sera la conversation inepte ou l'haleine chargée qui aura raison de mes velléités. Au moins l'odeur de celui qui partage ma vie, si elle n'est plus excitante, est restée apaisante.
Que pense-t-il de mon corps, lui qui le voit depuis des années se transformer, changer, vieillir et s'abîmer ? Je n'aime plus me regarder dans ses yeux, j'ai si peur d'y voir de la pitié ou de la répugnance, même s'il est plus probable qu'il n'y ait même plus de regard. Est-il seulement possible qu'il me voie encore autrement que comme la mère de ses enfants ? Ce que nous avons vécu ensemble, tout en nous liant l'un à l'autre, nous éloigne aussi. Car il faut de la distance pour bien regarder, et nous sommes trop proches.
Maintenant je suis face à une alternative insoluble : me dessécher lentement devant un compagnon qui se souvient de mon corps d'avant, et peut mesurer la lente déchéance... ou affronter les yeux d'un autre, exposer mes défauts, les marques de ma vie, impossible ! Peut-être qu'à cause des enfants mon corps ne m'appartient plus, il est leur à présent, c'est trop tard... je ne peux plus le donner. Je ne veux plus.




Les salles, hautes entre les piliers carrés, se succèdent. Dans certaines brûlent des feux dans des foyers ouverts, la fumée s'échappe par des ouvertures au plafond qui doivent traverser des épaisseurs de roche pour atteindre la surface, au-dessus de l'ancienne carrière de pierre. Les excavations offrent un abri sûr au groupe de personnes installées là, réunies pour réaliser quelque chose sans doute, un projet, une révolution même. Elle a déjà passé du temps avec eux, c'est lui qui l'a amenée là, celui dont elle partage les yeux. A présent elle connaît son visage mieux que le sien, son nom, ses gestes et ses aspirations.
Le soir autour des feux il n'est pas toujours près d'elle, il parle avec les hommes et elle le voit de loin, ses traits animés par les flammes du foyer et par sa flamme intérieure. D'autres fois c'est elle qui participe à une conversation, elle ne pense pas à lui mais elle surprend son regard intensément braqué sur elle, et il n'a pas besoin de sourire.
Quelquefois il part plusieurs jours, elle doit rester, un danger flou pèse sur ceux qui sortent. Elle l'attend mais son retour la surprend toujours, parfois endormie et soudain ses cheveux sont contre son visage, parfois elle s'affaire et il est là, avec dans l'ombre sa bouche qui attend. Le soir le froid monte du sol et l'humidité descend du plafond, des murs, et au milieu tout est transi. Le seul moyen pour elle de dormir est d'être serrée contre lui, poitrine contre poitrine, ventre contre ventre, elle inspire il expire il inspire elle expire, des siamois. Quelque chose pousse entre eux, l’arbre de leurs poumons prend racines, s’épanouit jusqu’au bout de ses ramifications qu’elle sent se déplier en elle. Les radicelles enfoncées dans le terreau de leurs pensées, de leurs désirs, les relient, vivantes et pleines de vigueur. Le sang et la sève se confondent.





Je dois aller travailler en voiture et je n’aime pas ça. D’habitude je me laisse bercer par le train, même heure, mêmes visages, pas besoin de me concentrer ; parfois je n’ai aucun souvenir des trajets, ces moments hors de tout. Dans la voiture il y a du bruit, du mouvement. Je dois faire attention, être là. Les voix à la radio m’aident à rester présente, mais parfois un morceau de musique vient modifier mon rythme cérébral. Je ne sais pas pourquoi, au terme de quelle évolution souterraine je regarde ce matin-là différemment autour de moi. Le soleil se lève derrière la brume, éclairant la plaine d’un grand halo doré dont on ne distingue pas l’origine. Les bosquets, les villages plus loin forment des silhouettes aux contours nets mais sans détails, seulement des ombres découpées dans un dégradé de gris-mauve sur la clarté du ciel. Au milieu du champ, là, presque déjà dépassé à la vitesse de l’autoroute, un arbre solitaire dresse ses branches encore nues. Sa forme est parfaite, il est de ceux que l’on photographie aux quatre saisons pour mettre sur les cartes postales. Tout à coup les larmes me montent aux yeux, cela ne m’est pas arrivé depuis des mois. Tout se brouille et je voudrais les retenir mais je dois les laisser couler pour ne pas être aveuglée. Je pleure sur ce qui est beau comme sur ce qui est terminé ou perdu, et j'ai mal, mais je bénis cette douleur qui me dit que je suis encore vivante, que les choses peuvent de nouveau me traverser en laissant leur marque, que je ne suis plus un fantôme. Je retrouve la sensibilité comme dans un membre ankylosé le sang se remet à circuler. Ça pique, des aiguilles enfoncées dans la chair, mais je peux bouger, enfin.




Quels sont les termes consacrés ? « Je ressens les premières douleurs... » Mais ce n'est pas cela, pas du tout. Depuis ce matin je guette les sensations inédites et pourtant immédiatement reconnaissables, cette lourdeur dans le ventre qui devient peu à peu envahissante, qui s'étend et m'encercle d'un étau jusque dans les reins. Je dois rentrer à la maison, c'est là que cela doit avoir lieu. Peut-être cette fois la pièce aux papiers s'ouvrira, j'y trouverai un lit et les compagnes dont j'ai besoin, il ne me faut rien de plus car je sais.
Les pincements prendront de l'ampleur, ça gagnera sur les côtés, les flancs puis le bas du dos. Le cercle de feu ou de fer autour du bassin se fera lourd et je chercherai d'abord à le fuir en m'arc-boutant au bord du lit. Mais ce n'est pas possible, au contraire il faudra accepter cette douleur, m'y plonger toute entière et m'y enfoncer, qu'elle devienne entièrement moi pour qu'elle soit efficace et plus brève. Les temps de repos et de lucidité peu à peu se raccourciront, tout autour deviendra brumeux, insignifiant, tandis que cette force finira de s'emparer de moi, de devenir moi, je deviendrai cette force énorme et sans pitié. A présent rien ne peut m'arrêter, aucune parole, aucune pensée, il n'y a plus de pensée, uniquement ces sensations brutes et irrépressibles qui ne sont plus une douleur mais un impératif,  « je dois ». Je dois m'ouvrir, laisser le passage à cet être qui ne me fait pas souffrir car je n'ai plus mal, je suis simplement et pleinement ici et maintenant comme je ne l'ai jamais été et pourtant si loin, sur une autre planète tellement inatteignable...





D’une seconde à l’autre son cerveau passe en mode éveil, l’instant d’avant elle dormait et rêvait. Elle flotte dans cet espace-temps où l’on cumule les sensations de la chaleur du lit et des légers bruits du matin avec celles du rêve qui vient de s’achever, et qui progressivement s’enfoncent dans l’inconscient. Elle n’ouvre pas les yeux et savoure cette chose nouvelle : pour la première fois depuis si longtemps elle se sent à sa place. A côté d’elle respire son compagnon, celui qui est Autre et ne sera jamais son double, et ne la comprendra jamais tout à fait, et c’est bien ainsi. Au milieu de sa poitrine, là où béait l’abîme, pousse une nouvelle puissance, une force qui propulse ses branches vers l’avenir, si incertain soit-il.
Avant de se lever elle se dit qu’elle a peut-être enfin accouché d’elle-même et qu’elle a encore beaucoup de choses à mettre au monde.














Le seul amour qui soit vraiment humain, c’est un amour imaginaire, c’est celui après lequel on court sa vie durant, qui trouve généralement son origine dans l’être aimé, mais qui n’en aura bientôt plus ni la taille, ni la forme palpable, ni la voix, pour devenir une véritable création, une image sans réalité. Alors, il ne faut surtout pas essayer de faire coïncider cette image avec l’être qui lui a donné naissance, qui lui n’est qu’un pauvre homme ou qu’une pauvre femme, qui a fort à faire avec son inconscient. C’est avec cet amour-là qu’il faut se gratifier, avec ce que l’on croit être et ce qui n’est pas, avec le désir et non avec la connaissance. Il faut se fermer les yeux, fuir le réel. Recréer le monde des dieux, de la poésie et de l’art, et ne jamais utiliser la clef du placard où Barbe-Bleue enfermait les cadavres de ses femmes. Car dans la prairie qui verdoie, et sur la route qui poudroie, on ne verra jamais rien venir.
(Éloge de la fuite – Henri Laborit)

4 juillet 2010

FIEVRE Incandescence. Essence. Ciel. ABSENCE

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FIEVRE

Incandescence.
Essence. Ciel.

ABSENCE


Reviens.
Vois ça comme un ordre. Que ça te chante ou non.
Reviens.
Vois ça comme une prière. Que ça te plaise ou non.
Reviens.
Vois ça comme une requête. Que tu l’écoutes ou non.
Reviens.
Vois ça comme un poème. Même s’il ne rime à rien.

Reste.
Encore. Un peu. Beaucoup. Toujours.
Reste.
Laisse-nous t’aimer sur scène. Laisse-nous te permettre de voler.
Reste.
Livre-toi cœur à corps, corps à cœurs. Emporte nous.
Reste.
Délivre-toi. Laisse-toi submerger. Explose-toi.

Rigole.
Oui, amuse-toi de me voir dans cet état.
N’empêche.
Ça doit te manquer aussi. Et peut être même que je pourrais rire de toi. Tu es sûrement plus en manque de scène que moi. Dépendant !

Alors, rêves-en !
C’est un ordre, une requête et un poème à la fois.
Rêve. Fort. Intense. A outrance.
C’est l’essence même, c’est l’essentiel.

4 juillet 2010

MASQUARADE

Des années pour me façonner une image, pas toujours celle qui me ressemble, ni celle que j’aurais voulue, mais elle est convenable, elle plaît au plus grand nombre. Le masque est fragile, faut pas trop tirer dessus, mais il tient bon. Sous le masque, il y a le feu, mais personne ne s’en doute. Sous le masque, il y a aussi des envols, des océans, des jungles, des cérémonies, des voyages, …. des carnavals parfois ! Muets. Il y a longtemps que pour être acceptable, j’ai bâillonné ce tumulte intérieur.

Toutes ces déraisons reposent au fond, comme une vase terreuse indécelable sous la surface cristalline et paisible. Moi-même, j’ai oublié qu’elles dormaient là.

Puis un jour, il déboule en tempête et ses rafales soulèvent la surface de l’eau. Quelques bulles remontent en tournoyant, quelques fragments ternis qui reprennent couleur en émergeant. Emerveillement et frayeur conjugés. J’attends que le calme revienne. Mais ce qui a été dérangé ne veut plus dormir.

Et c’est tout d’abord l’angoisse de ne pouvoir contenir le tournoiement multicolore qui vrille les certitudes et scie le masque en deux. La gêne de me trouver soudain à visage découvert et de m’apercevoir que les autres ne me reconnaissent pas. Vite, vite, il faudrait se replier, bernard l’hermite au fond de la coquille. Rebarbouiller les apparences. Etouffer le fracas. Pour à nouveau ne pas déranger, ne pas dénoter.

Mais lui face à moi, me sonde, me bouscule, me gifle, me tord,. Chaque atome de son être me crie « sur les murs de ton ennui, sur ta bouche trop serrée, sur tes désirs réprimés, j’écris mon nom : liberté ».

Alors la vie se ranime avec le mouvement et la joie rejaillit. J’avais oublié depuis tout ce temps immobile. Je peux encore vibrer ? Tout n’est pas mort, vraiment ? Trouver la force de me montrer démasquée, de ne pas taire les questions. Le cheminement est long, complexe, exigeant. Mais derrière les remparts qui vacillent, la douleur d’exposer ma peau blême au soleil, la peur de devenir visible, il y a « moi » qui ne veut plus de cette anesthésie. « Moi », cette inconnue que je ne peux plus ensevelir. Elle resplendit et elle parle. Elle dit que l’immobilité est mortifère, que les faux-semblants l’assassinent, que le silence l’abolit et qu’elle veut vivre.

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4 juillet 2010

Julien Doré & the bash Les histoires sans fin

Julien Doré & the bash

Les histoires sans fin ça n'existe pas. Même celles qui sont belles. Très belles. Et pour cette histoire là, la dernière page est atteinte.
Les histoires immortelles n'existent pas. Enfin sauf si on y crois. Moi j'y crois. Cette histoire là, elle est immortelle. Elle vivra en nous malgré nous. Elle durera jusqu'à ce que nous ne puissions plus durer. La voix tonnera comme un échos. Les notes seront collées à notre peau. Non, pas comme des parasites. Plutôt comme une immense émotion qui perdure. Putain d'émotion qui s'accroche. Elle ne veut pas partir. Elle ne va pas partir.
Vous verrez au début ça fait un peu mal: ça brûle, ça pique, ça dérange... Mais dans quelques temps, je vous assure, ça vous chatouillera. De plaisir. Seulement de plaisir. Il ne restera que le bonheur d'avoir vécu tout ça. Que le bonheur.

4 juillet 2010

Qu’est ce qui te prend inconscient ?Et la douleur

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Qu’est ce qui te prend inconscient ?

Et la douleur dans tout ça ?

Tu la cherches, tu l’attends, tu t’impatientes, tu frémis, tu hésites, tu t’enhardis, tu te lances, tu t’écrases, tu l’attises, tu l’apprivoises, tu résistes, tu ne bouges plus.

Ce micro délaissé, vestige de ton coup de folie, t’attends. Il se fait du mouron, seul. Faut pas le laisser comme ça…

Ces tapis scotchés, arrimés au sol, ont tout fait pour assurer ta chute. Ils ont gonflé le torse, tendus leurs bras. Ils savent bien qu’ils n’ont pas le choix…

Le canapé, navré, te regarde de haut. Il pensait tout avoir pour te recevoir. Il est blessé.

Et toi ?

Regrettes-tu ? Te dis tu « putain, plus jamais je le fais ! » ?

J’en doute. Inlassablement tu recommences, de date en date, de vol plané en vol plané, de crash en crash. Le même saut. La même chute. Le même affalement. Exactement.

Tu sautes, puis tu gis.

Tu te donnes à l’excès. Et le pire c'est que je suis persuadée que tu le sais.
Ton corps mal fagoté et malmené pourrait t’en vouloir lui aussi.
Te traiter de malotrus, de fou furieux ou d’irresponsable.
De bonne composition, il préfère se taire. Il connait ta susceptibilité. Ce serait bête de te froisser.
Cela dit il espère secrètement qu’un jour tu éviteras de le nouer aussi brutalement dans le parquet. Parce que bon, faut pas abuser.

Allongé, seul parmi la foule, entends tu ton cœur battre à tout rompre jusque dans ta tête ? Ta respiration bruyante et saccadée t’oppresse-t-elle ? Qu’espères-tu ? Qu’attends-tu de la douleur ?
A quoi penses-tu bordel quand tu restes allongé comme ça de longues secondes et que le silence s’installe dans la salle ?

Pas à mon petit cœur en tout cas.
Ce crash volontaire m’effraie, et je suis dans l’incapacité de cerner ce qui peut te pousser à l’exécuter avec autant de hargne et d’application de façon répétée.
La seule conclusion que j’arrive à en tirer, elle est là :
T’es timbré.
Bien maigre n’est ce pas ?

Alors bien sûr on pourra me dire que je m’étais déjà interrogée à ce sujet.

ticrabe a écrit:



Bâtard !

Je suis sûre que tu es fier de ton coup, là, caché derrière ce volumineux fauteuil en cuir.
Tu les as tous eu. Tes amours. Toutes. Dans la poche.
C’est trop facile. En un déhanché, une palpation, un pas dansé, tu nous consumes.
Te rends tu compte ?
Là, ta jambe encore en suspension, ton corps vrillé, ton esprit tortueux, tu dois te délecter (ou souffrir le martyr. Bah oui c’est bien beau de faire le malin sur ton cheval à bascule, mais avais tu pensé à la réception ?)
N’empêche que je suis certaine que, là, tu savoures.
Tout le public, qui t’acclame. Là tu ne les vois plus. Peut être as-tu même les yeux fermés ? Peut être profites tu justement de ce moment là, à l’abris des regards pour te rouler quelques secondes dans tout cet amour. Pute luxure.
Et ce fil de micro qui surgit de ta partie du monde. Le lien sonore est encore là. Le micro. L’as-tu encore en bouche ? On ne t’a jamais dit qu’il ne fallait pas courir avec quelque chose dans la bouche. Encore moins basculer avec un micro entre les dents. Les as-tu toutes gardées depuis ?
Je suis sûre que oui. Même si t’as eu mal, je suis sûre que tu t’y attendais. Tu le voulais. Il faut savoir souffrir pour jouir. Non ? Ou voyons les choses dans l’autre sens : peut on jouir sans jamais avoir souffert ?
Mal du cœur. Cœur en flamme. Feu au corps. Corps et âme.
Julien, derrière ce fauteuil, je me serais bien glissée tout contre toi. Pendant les quelques secondes d’obscurité avant la chanson suivante. Ton corps à terre, toi sonné. Tu ne m’aurais pas vu arriver. Je me serai approchée.
J’aurai retiré le micro de ta bouche, en douceur mais prestement puis posé ma main sur ta bouche. Bâillonné. Muselé. Ton regard m’aurait transpercé. Et, amusée, je t’aurai « traitée » :
« Allumeuse ! »
et je me serai volatilisée. Auto combustionnée.
Mais comme tu le sais, tout ceci n’est pas arrivé !
Alors continue ton petit jeu tant que tu veux…je t’aime bâtard.



Sauf que là, par terre, tu me fais juste peur. Et ça, First Lady ou pas, c’est pas cool.
4 juillet 2010

Comme si la musique n'existait plus qu'à travers

Comme si la musique n'existait plus qu'à travers ce bruit. Une tension. Lenteur et Longueur.
Un cliquetis de cordes vient écraser le doute. Espoir.
Une voix naissante évolue et flotte sur le chemin. Sans fin.
Prend de la hauteur. Prend de l'ampleur puis déchire à tout va. Pousse brutalement. Explose sans patience. Je saute. Je plonge. Je te suis.
Tourbillons glacials. Les âmes se perdent.
Enivrée. Enivré. Enivrée.
Ce cris. Ces cris. Tes cris. Des appels violents. Des rafales de vent balancées. Brutalement.
J'ai froid. Intensément. Avec toi. Mais, je prends.
Cette grandeur ne doit pas s'arrêter.
Non, jamais.


Brown Ears.

4 juillet 2010

Je suis ritale et...... ti voglio bene

Plus je te suis, plus ça transpire de tes pores comme une évidence pour moi, un effet miroir, tu me renvoies a ce que je connais, mes origines, d'où je viens, l'Italie,
Pays de tous les paradoxes,
où rien n'est tiède, tout est exacerbé,
où on blasphème et on adore
Où l'on adule la beauté
Où il faut crier pour se faire entendre
Pays du réalisme et du bordel organisé
de la séduction nonchalante
pays qui stimule l'imagination
où rien n'a d'importance où tout est dérision
où la vie est portée comme diapason
où la légèreté cotoie la profondeur
pays où le flot de paroles cache la pudeur
où les rires ne sont jamais loin des larmes
où la vie n'est qu'un jeu
où les mains sont volubiles, elles effleurent, expliquent
où l'extrême raffinement cotoie souvent le vugaire mais l'efface d'une boutade
où l'on aime la Dolce vita et le travail

comme toi..

Le génie Italien est éclectique, assimilateur, multiforme, avec des élans et des incertitudes comme toi...

Boticelli t'avait deviné ...

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4 juillet 2010

De cette pensée sournoise, en ses pas, tu ne sais

De cette pensée sournoise, en ses pas, tu ne sais plus
A corps perdu dans ton cœur vaincu, tu oublie tes craintes, et renonce..
Baisser ta garde, te sentir touchée, arrêter de te battre et finalement accepter car cette putain d'ambivalence, courtisane instable qui se laisse prendre par le plus charmeur, oublier dans sa voix, qu'elle était si échaudé , en demander encore...
et te fustiger, te scarifier le cœur, et les lambeaux d'idéaux..qui en tombant, crève les nuages, font entendre la sourde révolte, qui prend les tripes et torture l'esprit...
la raison qui s'en mêle et hurle de renoncer...hélas la luxuriante ambivalence qui ne résiste à rien. c'est une chienne enragée qui te mord, qui une fois comblée et presque convaincue, se retourne contre ta main et ta caresse...et toi tu saigne de t'être laisse avoir...
Alors tu panse tes plaies, et tu enrages contre ton insatiable envie...Plus jamais, non on ne t'y prendras plus...mais tu sais pertinemment, qu'elle ne te laissera pas en paix.
Schizophrénie amère et provocante, dans tes limbes de folies, elle t'emporte, te jette...et tu la suis.
Et agenouillé sur la tombe de ton idéal, tu pleure de rage que cette infamie ne t'épargne.

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