Le dur désir de durer (nouvelle)
On
vient de finir la cuisine. C'est la seule chose à laquelle j'arrive à
penser, la cuisine. Tout ce que je voulais c'était qu'elle soit
accueillante, chaleureuse, bien rangée, avec peut-être juste un bouquet
de fleurs du jardin dans un vase en céramique acheté un été dans un
rassemblement de potiers, et un gâteau sortant du four, prêt à être
dégusté par la voisine qui viendrait prendre le thé à l'improviste... le
beau cliché, comme sur les blogs de ces filles qui semblent vivre dans
des magazines de déco ! Comme si le décor parfait pouvait par magie
apporter l'harmonie dans une vie, j'y croyais. Et maintenant que la
cuisine est neuve, brillante de toutes ses surfaces laquées, sans une
trace de calcaire ou d'éclaboussure de sauce... maintenant, rien n'a
changé. Ou plutôt tout continue à changer, à se dégrader lentement comme
les épluchures de légumes dans le bac à compost. Sauf que je ne crois
pas qu'il en sortira une substance nourrissante, un terreau fertile.
Rien qu'un vieux cocon desséché qui contenait autrefois un couple, une
famille. Voilà, c'est l'image qui me hante, je vois ce débris organique
répugnant au milieu de ma cuisine neuve.
Je ne sais pas ce qui
m'arrive, ce qui nous arrive. Le monde semble continuer à tourner comme
avant, les jours, les saisons passent, les jours d'école, de travail, de
repos, le réveil qui sonne, les repas à préparer, à manger, à ranger,
le linge qui s'entasse... Et nous sommes là, tous les deux, presque
aveugles à nos enfants, en tout cas incapables de nous regarder l'un
l'autre. L'amour ne signifie plus rien, hormis les petits corps déjà
presque oubliés, ensevelis dans les membres qui s'allongent trop vite.
Là où le rouge palpitait en moi, rien qu'un sombre abîme, un gris
collant, le vide. Ce trou dans la poitrine, au centre, là où se serrent
les enfants, ne peut plus être comblé par rien, car il n'est pas un
désir, seulement un néant. Désirer, même physiquement, ce serait déjà
une chaleur. Mais tout est sec et froid.
L'autre jour j'ai remarqué avec détachement que je n'éprouvais plus aucune émotion en regardant le ciel ou les arbres.
La
façade, les pentes du toit restent dans l'ombre, difficiles à
représenter. De cette maison, elle connaît pourtant de mieux en mieux
l'intérieur, elle y est chez elle, du moins le pense-t-elle. Elle
découvre de nouvelles pièces, de nouveaux recoins à chaque visite. La
décoration n'est pas toujours à son goût, il y a beaucoup à faire, à
trier, des amoncellements d'objets divers, de meubles disparates.
Parfois une cour, un jardin intérieur au détour de couloirs qu'elle suit
pour la première fois, mais la semaine ou le mois suivant, elle ne peut
retrouver cet espace de verdure ou cette petite pièce d'eau. A la
place, un immense salon, presque aux dimensions d'un hangar, empli de
meubles poussiéreux et de papiers effrités, comme un magasin de
brocanteur un peu mal tenu. Et elle sait qu'au fond de la maison, ou
peut-être tout en haut sous le toit, existe un endroit qu'elle n'a
jamais vu, une soupente, presque une grotte, où s'entassent... elle ne
sait quoi exactement, des piles et des piles de liasses de papiers, des
particules de mots et de pensées, qui s'envoleraient au moindre souffle
et feraient tousser, étoufferaient celle qui oserait les déplacer. Elle
ne sait pas si elle pourra trouver un jour cette pièce-là.
Elle
reconnaît aussi parfois des ustensiles dont elle était sûre de s'être
débarrassée, des outils de cuisine en plastique laids et malcommodes, ou
bien un saladier en arcopal blanc à bordure rouge orangée, même plus
digne d'une cantine scolaire, mais même pas ébréché, alors comment s'en
défaire sans se sentir légèrement coupable, puisqu'il pouvait encore
servir ? Ces choses accumulées là lui rappellent presque toutes des
personnes, qu'elle ne voit plus, qui sont sorties de sa vie. Elles
réapparaissent et c'est comme si elle croisait dans la rue un visage
d'une autre époque, quelqu'un avec qui elle pourrait partager des
souvenirs mais dont elle ne veut plus, et puis allez savoir si lui, ou
elle, se souvient d'elle... elle a toujours cru être si transparente.
Elle ne sait pas si elle préfère revoir ces objets inertes, ou bien les
yeux surgis de ce temps pas toujours si lointain, à qui elle pourrait
dire silencieusement, par son seul maintien, sa seule démarche : «
Voyez, je n'ai plus besoin de vous, maintenant je tiens debout toute
seule sans autre regard que celui... » Mais de toute façon ils ne
comprendraient pas.
L'autre jour un ami d'ami
sur facebook a posté une vidéo, par hasard et désœuvrement j'ai cliqué,
c'était une chanson de Christophe, La Man. Drôle de titre. De ce
chanteur je ne connaissais qu'Aline, une réminiscence d'une vieille
cassette de mes parents, un best-of (je crois qu'on n'appelait pas
encore ça comme ça à l'époque) de slows sirupeux. J'ai écouté. Et puis
j'ai réécouté, j'ai noté certaines paroles. J'avais l'impression qu'il
déroulait mes nerfs et mes tripes pour écrire des mots avec.
Elle veut l'amour pur et sans faille
Elle veut tout, elle veut le chaos
Rêver sa vie dans ses vies de rêve
La vérité nue, belle à voir
Après
je suis allée faire le ménage et la cuisine, ranger les jouets des
enfants, plier les chaussettes par deux. Une fois avec ma fille on a
calculé, deux chaussettes par jour et par personne, quatre personnes,
sept jours dans la semaine, je lave et étends cinquante-six chaussettes
par semaine, sans compter les vingt-huit slips et culottes bien sûr,
j'entretiens soixante ongles, on n'a pas compté les dents à brosser tous
les matins et tous les soirs.
La communication a été coupée entre
nous, comme quand tout à coup on n'a plus que la tonalité dans le
téléphone au lieu de la voix de l'autre. On se croise, on s'effleure,
c'est tout. Je ne suis même pas sûre qu'on s'effleure. Je ne sais plus
ce qu'il pense et ressent, je ne sais plus si je l'ai jamais su, il est
comme une boîte hermétique, rien ne sort, rien ne transpire. Je me
demande s'il me voit de la même façon, comment peut-il ne pas sentir, ne
pas entendre mon sang qui bouillonne ? Il est vrai que j'ai étouffé
tout ça, tout est plus calme à présent, je croyais que c'était ainsi
qu'il fallait vivre. Et surtout je souffre moins ainsi. Mais voilà que
quelques paroles de chanson peuvent remettre en cause mes protections,
mes barrages intérieurs ! Si tout débordait de nouveau, qu'est-ce qu'il
verrait, qu'est-ce qu'il dirait ? Qu'est-ce que les gens diraient ?
Une
autre fois elle finit par sortir de la maison toujours déserte. Elle
quitte le monde des objets, des choses inanimées pourtant pourvues d'une
âme. Dès le seuil bruisse la lumière mouvante qui filtre à travers les
feuilles. Elle pense que ce doit être le tout début de l'automne,
peut-être l'équinoxe. Les feuilles ciselées et les crosses des fougères
commencent à peine à roussir, le mauve des bruyères saupoudre le vert
encore vif du sous-bois. Ce n'est pas habituel pour elle, marcher seule
dans la forêt, sans quelqu'un à attendre ou à suivre, sans rendre de
comptes. Elle suit tout de même le sentier, ne se sentant pas encore
capable de couper à travers bois, sans repères. Le chemin rétrécit,
devient presque tunnel sous la voûte des arbres, puis oblique à angle
droit, et soudain alors qu'elle regardait les branches au-dessus d'elle,
les rayons de soleil éclairant de légères poussières en suspension,
elle baisse les yeux et aperçoit, plus loin, à quelques dizaines de
mètres, un grand animal, enfin il lui semble, un cerf ? Mais n'est-ce
pas plus grand un cerf ? Il l'a regardée et est déjà parti, ou peut-être
n'était-il pas vraiment là. Pourtant elle a vu les poils bruns
recouvrant les muscles souples de cette bête.
Elle avance vers
l'endroit d'où il a disparu, posant involontairement ses pieds
prudemment sur le sol inégal pour ne pas faire de bruit. Elle regarde,
elle cherche dans le sous-bois, mais pas de trace. C'est un bien autre
regard qu'elle croise, elle croit d'abord à un reflet, une sorte de
mirage. Assis sur un tronc couché, adossé à un fourré de ronces, un
homme la regarde avec ses propres yeux, les prunelles qu'elle voit tous
les matins dans la glace sans y prêter attention car elle a d'autres
choses à vérifier, la coiffure, la tenue. Elle devrait avoir peur mais
ça ne l'effleure même pas, à cause de ces yeux sans doute. Elle le
regarde, elle est presque sûre qu'il ne parlera pas. Ses cheveux sont
emmêlés, des feuilles mortes y sont accrochées, pourtant ils brillent à
l'endroit où le soleil les touche. Il a une peau laiteuse mais pas
blafarde, rosée, une matière qu'elle a l'impression de n'avoir jamais
vue ; autour de son biceps droit, une ronce s'est accrochée, il ne
semble pas la sentir et pourtant les épines s'enfoncent profondément
dans sa chair sans qu'aucune goutte de sang ne perle. Il ne saigne pas,
comme si elle saignait à sa place. Il tient dans les mains une écuelle
en terre cuite remplie de mûres qu'il vient de cueillir, ses doigts sont
tachés de pourpre. Dès qu'elle les voit elle imagine ces doigts
s'approcher de ses lèvres pour lui tendre un fruit, et l'acidité sucrée
sur sa langue. Elle fait un pas vers lui.
Pour
remplir un peu le vide intérieur parfois j'achète des magazines, il
paraît que dedans il y a tout ce qu'il faut avoir, porter, faire pour
être une vraie femme. Je me demande si de telles personnes existent,
tout paraît si facile pour elles, bien maquillées du matin au soir, des
sous-vêtements impeccables et assortis, des collants qui ne filent pas,
des maris attentifs et des amants passionnés... car l'amant semble faire
partie de la panoplie, c'est peut-être ça qui me manque. Mais il
faudrait en avoir envie, et tous ceux que je croise ne m'inspirent que
de l'indifférence au mieux, au pire du dégoût. Même chez ceux, rares,
qui pourraient me plaire, je remarque toujours le détail trivial ou
rédhibitoire, les mains molles aux ongles trop longs, la démarche veule,
les dents mal soignées, et si je les laisse s'approcher pour me parler
ce sera la conversation inepte ou l'haleine chargée qui aura raison de
mes velléités. Au moins l'odeur de celui qui partage ma vie, si elle
n'est plus excitante, est restée apaisante.
Que pense-t-il de mon
corps, lui qui le voit depuis des années se transformer, changer,
vieillir et s'abîmer ? Je n'aime plus me regarder dans ses yeux, j'ai si
peur d'y voir de la pitié ou de la répugnance, même s'il est plus
probable qu'il n'y ait même plus de regard. Est-il seulement possible
qu'il me voie encore autrement que comme la mère de ses enfants ? Ce que
nous avons vécu ensemble, tout en nous liant l'un à l'autre, nous
éloigne aussi. Car il faut de la distance pour bien regarder, et nous
sommes trop proches.
Maintenant je suis face à une alternative
insoluble : me dessécher lentement devant un compagnon qui se souvient
de mon corps d'avant, et peut mesurer la lente déchéance... ou affronter
les yeux d'un autre, exposer mes défauts, les marques de ma vie,
impossible ! Peut-être qu'à cause des enfants mon corps ne m'appartient
plus, il est leur à présent, c'est trop tard... je ne peux plus le
donner. Je ne veux plus.
Les
salles, hautes entre les piliers carrés, se succèdent. Dans certaines
brûlent des feux dans des foyers ouverts, la fumée s'échappe par des
ouvertures au plafond qui doivent traverser des épaisseurs de roche pour
atteindre la surface, au-dessus de l'ancienne carrière de pierre. Les
excavations offrent un abri sûr au groupe de personnes installées là,
réunies pour réaliser quelque chose sans doute, un projet, une
révolution même. Elle a déjà passé du temps avec eux, c'est lui qui l'a
amenée là, celui dont elle partage les yeux. A présent elle connaît son
visage mieux que le sien, son nom, ses gestes et ses aspirations.
Le
soir autour des feux il n'est pas toujours près d'elle, il parle avec
les hommes et elle le voit de loin, ses traits animés par les flammes du
foyer et par sa flamme intérieure. D'autres fois c'est elle qui
participe à une conversation, elle ne pense pas à lui mais elle surprend
son regard intensément braqué sur elle, et il n'a pas besoin de
sourire.
Quelquefois il part plusieurs jours, elle doit rester, un
danger flou pèse sur ceux qui sortent. Elle l'attend mais son retour la
surprend toujours, parfois endormie et soudain ses cheveux sont contre
son visage, parfois elle s'affaire et il est là, avec dans l'ombre sa
bouche qui attend. Le soir le froid monte du sol et l'humidité descend
du plafond, des murs, et au milieu tout est transi. Le seul moyen pour
elle de dormir est d'être serrée contre lui, poitrine contre poitrine,
ventre contre ventre, elle inspire il expire il inspire elle expire, des
siamois. Quelque chose pousse entre eux, l’arbre de leurs poumons prend
racines, s’épanouit jusqu’au bout de ses ramifications qu’elle sent se
déplier en elle. Les radicelles enfoncées dans le terreau de leurs
pensées, de leurs désirs, les relient, vivantes et pleines de vigueur.
Le sang et la sève se confondent.
Je dois
aller travailler en voiture et je n’aime pas ça. D’habitude je me laisse
bercer par le train, même heure, mêmes visages, pas besoin de me
concentrer ; parfois je n’ai aucun souvenir des trajets, ces moments
hors de tout. Dans la voiture il y a du bruit, du mouvement. Je dois
faire attention, être là. Les voix à la radio m’aident à rester
présente, mais parfois un morceau de musique vient modifier mon rythme
cérébral. Je ne sais pas pourquoi, au terme de quelle évolution
souterraine je regarde ce matin-là différemment autour de moi. Le soleil
se lève derrière la brume, éclairant la plaine d’un grand halo doré
dont on ne distingue pas l’origine. Les bosquets, les villages plus loin
forment des silhouettes aux contours nets mais sans détails, seulement
des ombres découpées dans un dégradé de gris-mauve sur la clarté du
ciel. Au milieu du champ, là, presque déjà dépassé à la vitesse de
l’autoroute, un arbre solitaire dresse ses branches encore nues. Sa
forme est parfaite, il est de ceux que l’on photographie aux quatre
saisons pour mettre sur les cartes postales. Tout à coup les larmes me
montent aux yeux, cela ne m’est pas arrivé depuis des mois. Tout se
brouille et je voudrais les retenir mais je dois les laisser couler pour
ne pas être aveuglée. Je pleure sur ce qui est beau comme sur ce qui
est terminé ou perdu, et j'ai mal, mais je bénis cette douleur qui me
dit que je suis encore vivante, que les choses peuvent de nouveau me
traverser en laissant leur marque, que je ne suis plus un fantôme. Je
retrouve la sensibilité comme dans un membre ankylosé le sang se remet à
circuler. Ça pique, des aiguilles enfoncées dans la chair, mais je peux
bouger, enfin.
Quels
sont les termes consacrés ? « Je ressens les premières douleurs... »
Mais ce n'est pas cela, pas du tout. Depuis ce matin je guette les
sensations inédites et pourtant immédiatement reconnaissables, cette
lourdeur dans le ventre qui devient peu à peu envahissante, qui s'étend
et m'encercle d'un étau jusque dans les reins. Je dois rentrer à la
maison, c'est là que cela doit avoir lieu. Peut-être cette fois la pièce
aux papiers s'ouvrira, j'y trouverai un lit et les compagnes dont j'ai
besoin, il ne me faut rien de plus car je sais.
Les pincements
prendront de l'ampleur, ça gagnera sur les côtés, les flancs puis le bas
du dos. Le cercle de feu ou de fer autour du bassin se fera lourd et je
chercherai d'abord à le fuir en m'arc-boutant au bord du lit. Mais ce
n'est pas possible, au contraire il faudra accepter cette douleur, m'y
plonger toute entière et m'y enfoncer, qu'elle devienne entièrement moi
pour qu'elle soit efficace et plus brève. Les temps de repos et de
lucidité peu à peu se raccourciront, tout autour deviendra brumeux,
insignifiant, tandis que cette force finira de s'emparer de moi, de
devenir moi, je deviendrai cette force énorme et sans pitié. A présent
rien ne peut m'arrêter, aucune parole, aucune pensée, il n'y a plus de
pensée, uniquement ces sensations brutes et irrépressibles qui ne sont
plus une douleur mais un impératif, « je dois ». Je dois m'ouvrir,
laisser le passage à cet être qui ne me fait pas souffrir car je n'ai
plus mal, je suis simplement et pleinement ici et maintenant comme je ne
l'ai jamais été et pourtant si loin, sur une autre planète tellement
inatteignable...
D’une seconde à l’autre son
cerveau passe en mode éveil, l’instant d’avant elle dormait et rêvait.
Elle flotte dans cet espace-temps où l’on cumule les sensations de la
chaleur du lit et des légers bruits du matin avec celles du rêve qui
vient de s’achever, et qui progressivement s’enfoncent dans
l’inconscient. Elle n’ouvre pas les yeux et savoure cette chose nouvelle
: pour la première fois depuis si longtemps elle se sent à sa place. A
côté d’elle respire son compagnon, celui qui est Autre et ne sera jamais
son double, et ne la comprendra jamais tout à fait, et c’est bien
ainsi. Au milieu de sa poitrine, là où béait l’abîme, pousse une
nouvelle puissance, une force qui propulse ses branches vers l’avenir,
si incertain soit-il.
Avant de se lever elle se dit qu’elle a
peut-être enfin accouché d’elle-même et qu’elle a encore beaucoup de
choses à mettre au monde.
Le
seul amour qui soit vraiment humain, c’est un amour imaginaire, c’est
celui après lequel on court sa vie durant, qui trouve généralement son
origine dans l’être aimé, mais qui n’en aura bientôt plus ni la taille,
ni la forme palpable, ni la voix, pour devenir une véritable création,
une image sans réalité. Alors, il ne faut surtout pas essayer de faire
coïncider cette image avec l’être qui lui a donné naissance, qui lui
n’est qu’un pauvre homme ou qu’une pauvre femme, qui a fort à faire avec
son inconscient. C’est avec cet amour-là qu’il faut se gratifier, avec
ce que l’on croit être et ce qui n’est pas, avec le désir et non avec la
connaissance. Il faut se fermer les yeux, fuir le réel. Recréer le
monde des dieux, de la poésie et de l’art, et ne jamais utiliser la clef
du placard où Barbe-Bleue enfermait les cadavres de ses femmes. Car
dans la prairie qui verdoie, et sur la route qui poudroie, on ne verra
jamais rien venir.
(Éloge de la fuite – Henri Laborit)