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Créations autour de Julien
4 décembre 2007

L'ivresse d'un instant



Comment avouer un présent obtenu à ton insu ? Faut-il m’excuser de cette caresse dérobée ? En te jetant dans le public, tu savais forcément que tu allais être touché. Le contact physique est quand même l’une des choses les plus intimes que l’on puisse partager avec quelqu’un. T’attendais-tu à autant de respect ? Des mains t’ont soutenu mais ne t’ont pas saisi. Elles t’ont reçu sans s’emparer de toi. J’ai suivi des yeux ton ploiement et ton abandon. Je t’ai vu tout entier disparaître entre les bras tendus. Engloutie la souple chevelure aux éclats de soleil, disparu l’éclair azurescent des yeux, sombrée la bouche aux lèvres incarnates, enseveli le corps offert et sans défense sous une arche de mains qui le reçoivent et le soutiennent. Seul sur cette mer en mouvance surnage le dos d’une main d’une pâleur albine, semblant flotter, flexible et délicat, au bout d’un poignet souplement incurvé. Puis la main est recouverte d’autres vagues humaines et n’affleure plus que ce poignet émouvant et gracile comme un petit monticule égaré.

Le temps s’est arrêté au bout des mes doigts pétrifiés. Faut-il oser ou s’abstenir ? Suis-je assez forte pour ce contact ultime ? Mes pensées tournoient comme oiseaux emprisonnés dans une tour inaccessible. Le temps de la décision m’est compté. L’impulsion du cerveau met un siècle avant de parvenir à ma main engourdie. Je la vois se lever et doucement, presque à rebours, en s’excusant déjà de sa témérité, se poser comme une aile déployée sur ton poignet candidement offert. Une seconde de communion qui prend la dimension de l’éternité.

Peau d’un velouté de lys nouvellement éclos, tiède et fraîche à la fois, légèrement empreinte d’une sueur suave. De toi à moi passent les pulsations de ta vie. Mon cœur s’accorde au tien, battant fou et ouvert dans ma poitrine trop étroite. Ondes magiques et frissons extatiques remontent de ton poignet vers le mien. Mon aura s’abreuve à la tienne et resplendit d’une secrète illumination. Les sons ont disparu, et les couleurs, et le temps inflexible. Ta chaleur rayonnante réchauffe mon émoi figé. Ma paume irradiée se fond à ton poignet nacré. Je sais que l’instant va mourir.

Souplement, l’océan reflue et ta peau glisse sur la mienne. Dans un mouvement d’envol, ta main s’échappe en laissant la mienne orpheline. Une seconde, une toute petite seconde d’éternité, voilà l’infime et inestimable présent que je t’ai volé.

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